[Chroniques]

Publié le par Métastases

À la conquête de l’ouest


Légende vivante de la new wave et du rock français, Indochine a beau se fondre dans les controverses les plus diverses qu’il explose toujours autant tous les compteurs d’intérêt. Mené en trombe par un Nicola Sirkis pas franchement décidé à vieillir, le groupe fêtera ses trente ans d’une carrière bien remplie le 26 juin prochain au Stade de France ; un évènement clôturant également (avant des festivals d’été et un Bercy à la rentrée) l’ère riche et électro-pop-acoustique de La république des meteors.
Ça méritait bien un mois spécial Indochine sur Métastases… Rétrospective.





Partie I : L’aventurier
par Arno Mothra

l-aventurier.jpgLancé sur la scène du Rose Bonbon un soir de septembre 1981, Indochine connaît immédiatement l’adhésion du public sur la nouvelle scène rock française. Après le 45 tours « Dizzidence politik » et plusieurs concerts remarqués (dont des premières parties pour Depeche Mode et Taxi Girl, prestations qui feront d’ailleurs de l’ombre à ce dernier), Indochine sort de l’underground avec « L’aventurier », succès énorme et inattendu amorçant les prémices d’une Indomania qui durera une bonne décennie.

Plus issu des courants synthpop que rock à proprement dit, Indochine invente un son et un univers linguistique dont il ne gardera par la suite que vaguement les bases (développer de courtes histoires sous des thèmes souvent sulfureux). Ici, les simulacres rockabilly s’exécutent derrière des arrangements new wave (« Les 7 jours de Pékin »), les structures rock se dépouillent de tout instrument en se fiant aux synthés (« L’opportuniste », « Docteur Love »), le ton sonne assez léger en apparence même si les sujets abordés apparaissent beaucoup plus ambigus à travers une lecture approfondie (« Leila »). Le jeu de guitare de Dominik, le compositeur, est immédiatement identifiable, quoique sans technique bluffante.

Façon originale de se différencier d’une scène rock plus revendicative (Bérurier Noir) ou ouvertement plus noire (Marquis De Sade), Nicola Sirkis laisse transpirer dans ses textes (jusqu’au nom de son groupe) moult références littéraires (Marguerite Duras, Henri Vernes) et historiques, majoritairement axées vers des échappatoires plus colorées malgré un fond finalement peu enjoué. Une marque de fabrique qui évoluera considérablement au fil du temps.

Si L’aventurier avance déjà une petite poignée de hits (quoique surtout son titre éponyme), il souffre néanmoins d’une inégalité certaine et d’un manque de profondeur, les sept pistes se succédant telle une suite de singles et de faces B (l’infâme « Françoise », le très kitsch « Leila »). Les idées sont présentes, souvent efficaces, mais mal ajustées dans un même bloc. Un EP (plus qu’un album) très court, pas franchement indispensable. À réserver aux fans uniquement.

Indochine, L’aventurier, sorti le 15 novembre 1982

l'aventurier

Vidéos


Clip « L’aventurier » (deuxième version) :
Bien plus sympa que le clip d’origine (très basique, à l’instar d’OMD et son « Enola gay » ou The Cure avec « The forest »), cette vidéo enregistrée lors d’une émission télévisée reprend l’esthétisme d’Henri Vernes, dans un style exotique très bande dessinée.



Clip « Dizzidence politik » (live 86) :
Captée au Zénith de Paris en 1986, cette prestation de « Dizzidence politik » s’avère idéale pour admirer la danse très particulière (?) de Nicola à l’époque…




Partie II : Le péril jaune
par Arno Mothra

le-peril-jaune.jpgEnregistré rapidement dans des conditions peu engageantes (en atteste le son très punk), Le péril jaune se doit à l’époque de faire surfer Indochine sur un succès naissant tout en l’asseyant dans le paysage grâce à un style peu commun. Car malgré des critiques spécialisés devenus frileux devant une réussite commerciale impressionnante pour un groupe français, la bande à Sirkis déplace les foules et commence carrément à se faire connaître à l’étranger. Son statut underground n’existe plus, définitivement.

Référence provocatrice à une symbolique chinoise (dont les paysans sont ici aussi les protagonistes), Le péril jaune voit Indochine s’éloigner de la synthpop frivole du premier album pour s’acheminer vers un terrain plus personnel et intéressant : un mélange de new wave, de cold wave et de sonorités asiatiques. Le ton a muté sur quelque chose de nettement plus sombre dans le fond, même si toujours accessible dans la forme. N’appartenant ni à la culture pop ni à la scène dite gothique, Indochine s’amuse encore à cultiver les contrastes ; petit jeu qui ne sera pas vraiment au goût de tout le monde.

Cohérent et original, Le péril jaune s’assimile presque à un album concept dont l’action se déroule majoritairement au Viêt-Nam. On retrouve vaguement les mêmes inspirations de Nicola Sirkis que sur l’album précédent (Marguerite Duras), bien qu’elles se portent davantage vers le cinéma (Krakatoa à l’est de Java, Razzia sur la chnouf). Les morceaux se révèlent sautillants tout en dissimilant des textes froids (« La sécheresse du Mékong », l’excellent « À l’est de Java »), reprennent parfois une formule similaire à « L’aventurier » (« Miss Paramount », dont quelques parties de guitare font d’ailleurs penser à Cult Hero), alors que les sonorités asiatiques nouvelles inspirent une fraîcheur particulière (« Razzia »). Ici, chaque titre trouve son importance même si un côté bâclé se fait parfois ressentir (« Shanghai »).

Largement plus abouti que L’aventurier malgré une production déplorable, l’album comporte son lot de perles (« La sécheresse du Mékong ») et en vaut l’écoute, même poussiéreuse. Dommage que certains morceaux pâtissent d’une mauvaise qualité de son, car le potentiel est indéniable et le voyage réussi, hors des modes et hors du temps. Indochine a du culot, et c’est tant mieux.

Indochine, Le péril jaune, sorti le 28 novembre 1983

le péril jaune

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Clip « Miss Paramount » :
Reprenant esthétiquement les références cinématographiques disséminées au cours de l’album, « Miss Paramount » présente clairement (pour la première fois) les quatre membres d’Indochine en les faisant jouer dans un cinéma. Pas inoubliable, quoique évitant assez bien certains clichés.



Clip « Kao-Bang » :
Réalisée par Christophe Sirkis, le frère de Stéphane et Nicola, cette vidéo sans grand intérêt alterne séquences live et curiosités backstage. D’une étourdissante nullité (commune à cette époque), même s’il nous est offert de voir en gros plan les espadrilles du chanteur. La grande classe.

Publié dans Cycle Indochine

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