[Interview]

Publié le par Métastases

Punish Yourself vs Sonic Area
extraits d'interview pour Twice (juin 2010) par Arno Mothra


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Froid, brutal et en-dehors des codes, l’album Phenomedia marque la collaboration artistique entre Sonic Area et Punish Yourself, dont un bref aperçu nous était livré avec la vidéo « Heart of darkness » l’année dernière. Repoussant les limites de la musique industrielle à travers des pistes tantôt instrumentales tantôt chantées, cet opus ravira forcément les amateurs du genre. Rencontre avec Arco et Vx, les deux principaux instigateurs du projet.


De quelle ligne directrice êtes-vous partis pour mettre ce projet sur pied ?

Arco : Je ne me souviens pas qu'il y ait eu une idée directrice précise. Ou peut-être celle de "se faire plaisir" et d'aller dans tous les sens.
Vx : Clairement, c’était pas un concept album quand on a attaqué... Le « cadre » s’est construit petit à petit, en faisant des listes de titres, d’expressions, en notant toutes les idées qui fusaient…
Arco : Au tout départ, on a échangé beaucoup de mails et de liens pour se créer une sorte de décor conceptuel. On voulait éviter de piocher dans la fiction.
Vx : Oui, ça c’était la seule contrainte que je tenais à imposer : je ne voulais pas que ce soit un Cult Movie n°2 genre « soundtrack virtuelle », donc pas de samples de films.
Arco : On avait la volonté commune de s'amuser diaboliquement avec des références au réel (documentaire, interview, journal télévisé, blog...). C'est sans doute ce qui a développé le côté grinçant du disque. Mais je crois que nos premières conversations parlaient de sociétés secrètes et d'alchimie. Et puis on a dérivé sur les complots militaires en passant par la société du spectacle, l'ésotérisme, Obama, Nixon, Elvis, Kurt Cobain et la magie noire.    
Vx : Pour vous dire, j’ai été jusqu’à lire Debord, pour la Société du Spectacle… C’est chiant en fait ce bouquin, je préfère Deleuze. Voilà, c’est dit.

Phenomedia semble se tourner sur une vision peu flatteuse des médias actuels et de ce qu’ils véhiculent, autant dans le divertissement que dans l’information. On ressent à la fois une sorte de chaos et de lassitude…

Vx : Chaos, lassitude, colère. Pas forcément dans cet ordre, d’ailleurs.
Arco : Absolument ! Afin d'éviter de tomber dans les clichés du genre et dans le moralisme stérile et caricatural, on a plutôt tenté de provoquer (ou pas) la responsabilité ou l'engagement de l'auditeur et d'exposer les contradictions de discours en évitant, je l'espère, le cynisme soupirant. On s'est amusé avec la confusion des genres et des images. Ce peut-il que les faits ne soient pas assez sexy pour être crédibles ? Ne reste-t-il que la consommation de fictions pour soulager nos tourments ? Phenomedia n'a pas vocation à être expliqué mais à provoquer librement des chocs et des associations de pensées et d'émotion. Pourtant la sélection des divers samples reste subjective, et le montage peut soutenir une comparaison d'idées, afin par exemple d'en souligner l'absurdité, la violence et peut-être d'en mesurer leur pertinence et leur objectivité. Et pourquoi pas réveiller une certaine citoyenneté ? Dans le monde des medias de masse, une information en chasse toujours une autre jusqu'a ce qu'il y en ait une qui  s'impose par elle-même comme un virus ou une révélation. Entre les enjeux politiques, idéologiques et commerciaux, il est assez difficile d'en anticiper la finalité et d'avaler les yeux fermés. Si ça peut véhiculer l'idée qu'il faut se méfier de ce qu'on nous raconte tout en gardant les yeux ouverts et la motivation d'en arpenter les limites, ça sera déjà bien.   
Vx : Je suis certainement un peu plus nihiliste qu’Arco, mais en tout cas, entièrement d’accord sur le fait qu’il n’y ait rien à expliquer ou justifier. À chacun de projeter le sens qu’il a en lui…

En dehors des styles déjà explorés par Punish Yourself (punk industriel) et Sonic Area (ambient), un côté nettement plus électronique et moins évident est parsemé sur pratiquement l’ensemble du disque. Aviez-vous envie de regarder un peu ailleurs ou cela s’est-il fait naturellement pendant l’enregistrement des pistes ?

Vx : C’est sûr qu’on n’a pas fait dans la facilité… Mais ça s’est vraiment fait naturellement. Musicalement, j’ai toujours eu l’habitude d’aller voir « ailleurs », que ce soit avec mes side-projects ou avec les trucs plus tordus de Punish… On ne s’est jamais dit « on va faire un truc trop bizarre pour épater le bourgeois ».
Arco : Dès le départ, on ne souhaitait pas être prévisibles. Et nous étions d'une humeur aventureuse. Alors, on a joué à un numéro de funambule assez risqué avec des références assez tordues et les coups de cœur communs pour les classiques. Ce qui donne un côté psychédélique et fébrile qui ne me déplait pas du tout.
Vx : « Psychédélique », ça ne peut pas me déplaire non plus !
Arco : J'avoue que je n'aurais pas osé monter ce genre de freaks sonores si je n'avais pas eu le soutien dévoué de VX. La difficulté était de ne pas rendre le truc trop pompeux, trop abstrait ou trop hermétique. Si le disque n'est pas assez prenant, la mèche du pétard est mouillée. Et puis pour rester dans la thématique des médias racoleurs, il fallait jouer le jeu du rythme soutenu et se zapper avant d'être zappé.   
Vx : Phenomedia, c’est l’expression de ceux qui essaient de pourrir le système de l’intérieur, mais aussi de ceux qui finissent par s’y plaire. On en revient à l’ambivalence du projet. Pour ou contre, mais certainement pas « entre les deux ». C’est pas un disque tiède. 



Interview réalisée en mars 2010.
La suite dans Twice.

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