[Chronique]
The Cure – Seventeen Seconds
par Arno Mothra
Introduite par l’unique 45T du side project Cult Hero, la nouvelle mouture de The Cure livre avec le deuxième album du groupe une évolution radicale vers un son moins rock, plus axé vers la cold wave (quatre mois avant la pierre angulaire Closer de Joy Division) et une noirceur introspective. Le départ de Michael Dempsey laisse donc place à l’arrivée de Simon Gallup (bassiste d’exception qui contribuera largement à façonner le son Cure) et Matthieu Hartley (claviers), lequel pliera bagages quelques mois seulement après la sortie de l’opus.
Si ''I’m A Cult Hero'', quoique plus groovy et sautillant, restait plus ou moins dans la même veine post-punk que Three Imaginary Boys, Seventeen Seconds s’en éloigne complètement au profit d’une ambiance plus cotonneuse et atmosphérique, soutenue par une réverb insistante et la voix de Robert Smith, presque blasée, nue. Premier volet de ce que l’on nommera plus tard la trilogie noire de The Cure, ce second album, toujours assez minimaliste et empreint de doutes, impose un style unique en lançant définitivement le groupe. A la fois simples et complexes, les dix pistes (dont deux instrumentales et une interlude) qui le composent plongent dans l’abîme (''Secrets'', ''In Your House'', ''At Night'') en ne laissant que peu de moments de répit (''Play For Today'', ''M'') dans le marasme brumeux, sans issue (''Seventeen Seconds'').
Les claviers, qui ont tout de même le mérite de ne pas avoir vieilli, apportent une certaine touche sophistiquée à cet univers oppressant et automnal, reconnaissable entre mille grâce au son très particulier de la basse et des guitares. On pourrait en revanche regretter la batterie plutôt effacée (qu’on retrouvera de même sorte sur les deux disques suivants) et répétitive, pas vraiment inspirée même si sa monotonie excessive renforce davantage l’originalité de l’ensemble.
Bien que relativement modeste, le succès obtenu grâce au single ''A Forest'' installe The Cure dans le peloton de tête des formations indés en vogue, même si les critiques de l’époque ont bien du mal à reconnaître la richesse de la musique du groupe, jugée trop sombre, peu accessible et trop plaintive.
Un album culte, indispensable dans sa réédition remasterisée.
The Cure, Seventeen Seconds, sorti en avril 1980 chez Fiction Records
Clip A Forest